Vivre l’esprit libre : rencontre avec Pierre Valmage
« Tout plaquer, partir surfer »
Pour celles et ceux qui osent un jour sortir des cases, la suite de l’aventure laisse souvent place à une sacrée dose d’inattendu. Projets, relations, métiers, quotidien : lorsqu’on rebat les cartes de sa propre vie, difficile de savoir quelles seront les suivantes. En bons spécialistes des prises de risques hasardeuses, on retrouve historiquement beaucoup de surfeuses et surfeurs qui ont un jour fait le choix de ne pas faire comme tout le monde. On pourrait le résumer ainsi : « Tout plaquer, partir surfer ». Plus sérieusement, on parle ici d’apprendre à s’écouter, se faire confiance et de suivre son instinct. La quête commune à ces personnes ? L’envie de vivre librement, à la recherche de ce qu’il y a de plus précieux de nos jours : le temps, les rencontres, la nature.
Rencontre aujourd’hui avec Pierre Valmage, free surfer trentenaire qui, depuis ses 16 ans, prend le temps de vivre simplement afin de mieux se connecter avec son environnement.
Un mode de vie Nomade
Nichés derrière les dunes du Penon, c’est dans l’un de ceux-là que nous avons rendez-vous, celui de Pierre Valmage, pour qui le van est rapidement devenu un mode de vie. « Pour l’instant, je partage mon camion avec ma copine, une Bretonne qui vient de s’installer dans le coin », commence-t-il. « C’est une nouvelle aventure qui démarre ! Elle n’était pas du tout dans le délire de vivre dans un camion à l’année. Puis en passant un peu de temps ensemble, elle s’est laissée convaincre. Elle s’est rendu compte que l’on pouvait être beaucoup plus en accord avec notre environnement. » Et c’est peut-être l’argument le plus important pour Pierre, qui le fit quitter l’école à seulement 16 ans pour vivre de surf et d’eau salée.
Un parcours hors norme
« J’ai découvert ce sport vers 14 ans, assez tard finalement, mais j’étais assez addict pour me dire à 16 ans “allez, j’arrête l’école, même si l’année n’est pas terminée. Je commence à travailler et je me lance dans la vie. Je voulais être prof de surf” », se souvient-il. À l’âge de 18 ans, après avoir enchainé les petits boulots, Pierre quitte la Haute-Normandie pour la côte bretonne : direction Portivy, à l’entrée de la presqu’île de Quiberon, un lieu réputé pour sa Côte Sauvage et la qualité de ses vagues. L’endroit est paradisiaque, les sessions de surf magiques, mais il n’y reste qu’un an le temps d’amasser assez d’argent pour son nouveau projet : l’Australie, avec aucun autre plan que surfer et apprendre à parler anglais.
« Je suis arrivé à Melbourne, puis j’ai longé la Great Ocean Road et je me suis posé à Lennox Head, pas loin de Byron. Le mode de vie là-bas était totalement différent. Je me suis ouvert à beaucoup de nouveautés, dont la vie en van, et je suis revenu en France avec une vision différente des choses. J’effectuerai par la suite beaucoup d’allers et retours là-bas. » Peu de temps après son retour en France, Pierre déménage dans les Landes, naturellement attiré par la réputation du département, ses plages immenses, ses vagues et ses forêts. « En bon petit normand qui découvre les vagues creuses, j’ai trouvé ici une nouvelle connexion à l’océan, c’était vraiment bien. Je me suis très vite senti aligné avec ce lieu », reprend-il.
« Je ne savais toujours pas vraiment pourquoi j’avais quitté l’école. Jusqu’ici je m’étais donné quelques excuses toutes trouvées, mais en réalité je répondais juste à une intuition, une envie. Et à partir de là, j’ai fait le choix d’organiser toute ma petite vie autour du surf, pour pouvoir passer un max de temps à l’eau, et je me suis retrouvé ici. »
La vie au quotidien
Dans ses choix, on comprend aussi que le surf a pris possession de lui depuis longtemps. Après son départ précipité du circuit scolaire, Pierre s’est directement lancé dans un programme sportif chargé, six jours sur sept, de 8h à 14h, pour « rattraper » son retard en surf, mais aussi et surtout pour connecter avec de nouvelles personnes. La nature oui, mais pas sans les humains qui vont avec. Plutôt habile quand les rencontres commencent à se faire rares. « J’étais un peu perdu sur le plan amical, car toutes les personnes que j’avais l’habitude de voir n’étaient plus vraiment là. C’est là que j’ai rencontré Fabrice Carpentier, on l’appelle Blondin, l’un des premiers à avoir fait de la planche à voile à Dieppe. C’est quelqu’un de très positif, très ouvert aux gens et il m’a beaucoup appris », se souvient-il.
Les rencontres, aussi importantes que le surf, ont toujours eu un impact décisif sur la vie de Pierre. Comme ce groupe de surfeurs posés dans leurs vans aux Estagnots, près du Surfing, restaurant dans lequel Pierre a travaillé. « Ce groupe, c’est le genre de personnes qui donne aussi la priorité à l’océan. Je ne pensais pas cela possible en France de vivre comme ça, dans son camion, à surfer tous les jours. Mais ces personnes prennent le temps de vivre. Ça fait maintenant huit ans que je vis comme eux, à mon rythme. Au final, je me rends compte que je me suffis de peu : bien manger, bien dormir, et les seuls vrais objets que j’ai sont des planches de surf. »
Selon lui, la vie en camion est de loin l’un des meilleurs moyens de mieux connaître les personnes que l’on rencontre. Les temps de partage sont ainsi faits que l’on passe beaucoup plus de temps ensemble. « J’ai l’impression de me rapprocher rapidement des gens. Il faudrait sûrement des années pour en arriver à ce niveau-là autrement », affirme-t-il. Pour avoir quitté très tôt l’école, Pierre a vite compris que son apprentissage allait venir de son ouverture aux autres et à la notion de partage, une philosophie que l’on retrouve beaucoup dans la vanlife. « J’aime la solidarité dans la vie de nomade. Je me dis qu’on est plus fort ensemble à s’entraider, à voir le positif chez l’autre et s’en inspirer. C’est quelque chose que je retrouve tous les jours dans cette vie et j’aime pouvoir le constater tous les jours. Je trouve ça d’une richesse incroyable. Mon premier camion par exemple, c’était un mec qui m’a dit “je suis super chaud de t’aider, mais la seule condition, c’est qu’il soit terminé d’ici un mois et demi pour que tu viennes avec nous au Portugal.” ». C’est ce genre de personne qui aide et n’attend rien en retour que Pierre apprécie. Aujourd’hui, il en est à son troisième camion et il connaît tous les spots de sa Normandie natale au sud du Portugal.
La vie est belle, parfois dangereuse
La vie est belle à l'abri derrière les dunes, mais à l’approche de l’hiver, l’Océan se durcit. Les tempêtes se lèvent et les tubes hivernaux déroulent. Sur un célèbre spot des Landes, celui avec des blockhaus qui n’en finissent pas de ramasser la houle, Pierre se lance dans une vague creuse comme il aime. Cette dernière plus rapide que les autres se referme sur lui. Il tombe et sa planche est éjectée sous la puissance de la vague. Le leash tire sur le côté et lui tord le genou. C’est la blessure. « Avant j’allais tous les jours à l’eau, quelles que soient les conditions, jusqu’à trois fois par jour », explique-t-il. « En Australie ou en Indo c’était huit heures par jour, ma vie entière était dédiée au surf. Tout a changé à cause de cette blessure », explique-t-il d’un ton serein avant de poursuivre. « Aujourd’hui cette obsession pour le surf est remise en jeu. Je ne pense plus seulement à ça. J’ai aussi envie de faire des choses de mes mains. Ma mère avait besoin d’aide pour rénover sa maison. J’avais de l’expérience dans le bois, matière que je travaille depuis que j’ai 17 ans, alors je lui ai dit “allez go” ! » Ce nouveau projet devait durer deux mois, il en a duré huit. Mais avec l’aide de ses amis, encore eux, cette expérience s’est transformée en véritable formation au métier de menuisier.
« Ça a été très spontané encore une fois, très bénéfique et formateur. Aujourd’hui le chantier est terminé et je me lance à mon compte », lance-t-il fièrement. « Ça me convient bien de faire des petits chantiers à droite à gauche pour le moment. On se laisse un peu porter, j’espère jusqu’au Portugal l’hiver prochain, à Sagres, il y a de très belles vagues. Humainement, c’est là-bas que j’ai rencontré le plus de monde, dont des Bretons, des Charentais, des gens de l’île d’Oléron. Puis pourquoi pas filer au Maroc. Ça serait top, on n’a vraiment pas de plan. » Et un sixième séjour en Australie ? Rien de prévu de ce côté-là, pour des raisons écologiques notamment.
« J’ai beaucoup pris de long-courriers, j’ai envie de bouger de manière plus simple, plus en phase avec mes valeurs », conclut-il avant de filer voir à quoi ressemblent les vagues.
Retrouvez Pierre sur Instagram : @valmage
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